Chapitre 12 - Tara
La journée d'un Tvishon est réglée comme du papier à musique, la
discipline militaire règne au Temple Tvish mais dans un climat
d'Amour-Force qui ne rend jamais la vie pesante, même pour une enfant de
11 ans. Ainsi, Taransyrr se lève chaque matin avec l'impression que le
monde s'offre à elle dans sa pure beauté, son énergie de merveilleux et
sa lumière.
Elle se souvient avoir demandé à sa mère si elle pouvait devenir
Pracandhanari quand elle avait 8 ans. Elle lui avait apporté un des
dépliants explicatifs de ce qu'était la Pracandhasenamukha, l'avait
poussé en direction de sa mère, assise à la table de la cuisine, en
train d'éplucher une pile de haricots verts du jardin. Elle l'avait
regardée droit dans les yeux et lui avait dit :
- Maman, voilà ce que je veux être.
Sa mère avait regardé sa fille, puis le prospectus et ses yeux s'étaient
humidifiés de larmes. Elle avait ouvert tout grand ses bras à Tara et
la petite fille s'y était jetée, et elle lui avait dit :
- J'ai toujours su que tu étais différente bichette, je suis tellement
fière de toi, tellement fière de te voir devenir un joyau du nouveau
monde, si tu savais comme j'ai espéré que tu trouves ta place...
Shalir, la mère de Tara, avait eu toutes les peines du monde à obtenir
le Consentement Tutoral en vigueur de par tout le Royaume de Terremère
et qui sanctionnait l'autorisation de concevoir et accueillir un enfant
en Age de Diamant. Non pas qu'elle ne se sentit pas prête mais les
difficultés venaient de son compagnon, Gorgajil. L'examen préliminaire
de leur dossier de demande de Consentement Tutoral avait pointé en
direction de doutes sérieux quant à sa capacité à être père et de fait,
la vie avait donné raison aux autorités apolytocratiques, Gorgajil était
parti deux ans après la naissance de Tara, laissant seules mère et
fille.
Naturellement les circonstances d'un tel abandon n'avaient pas de nos
jours les implications qu'elles auraient eues quelques quinze ans plus
tôt. Shalir était gestionnaire d'une petite maison de deux chambres avec
jardin, elle recevait la Manse universelle et pouvait élever sa fille
dans des conditions parfaitement décentes, mais le départ de Gorgajil
avait brisé le cœur de Shalir, même si son compagnon n'avait jamais été
parfait, elle l'aimait sincèrement et lui avait proposé le mariage de 10
ans à plusieurs reprises, ce qu'il avait toujours refusé. Quelque part,
c'était un mal pour un bien car s'ils avaient été ainsi liés, la
Chevalerie de la Garde provinciale aurait certainement lancé un mandat
d’arrêt pour lui remettre la main dessus et l'obliger à faire face à ses
responsabilités paternelles. Mais Gorgajil était malin, il avait
disparu sans laisser de trace et Shalir soupçonnait qu'il ait perdu la
vie depuis.
Tara n'avait pourtant pas grandi sans modèle paternel. Halimar, ami
d'enfance de Shalir, avait pris soin d'elle. Il était officier dans la
Chevalerie de la Garde et c'était un homme bon. Tara savait depuis bien
longtemps qu'il était amoureux de sa mère mais celle-ci ne le voyait
pas, ou feignait de ne pas le voir, ce qui revenait au même. Le jour de
ses 11 ans, lorsque Tara avait rassemblé quelques affaires et embrassé
sa mère pour accompagner la Tvish venue la chercher pour l'emmener au
Temple, elle avait serré Shalir, en larmes, dans ses bras et lui avait
soufflé à l'oreille : « Épouse Halimar maman, tu seras heureuse... »
C'est pourquoi la jeune Pracandhanari est sautillante et d'excellente
humeur ce matin-la tandis qu'elle pioche un deuxième chausson
pommes-cannelle dans les paniers du buffet de la salle de déjeuner du
Temple Tvish et relit pour la troisième fois le faire-part de mariage
envoyé par sa mère et annonçant l'union de Shalir et Halimar. Qui sait,
peut-être auront-ils même un nouvel enfant ? Tara le souhaite pour sa
mère, elle ressent que sa fierté à la voir intégrer la
Pracandhasenamukha est authentique mais que voir partir sa fille unique
sans esprit de retour à des milliers de kilomètres d'elle lui est
douloureux.
Tara rejoint Sila à table et lui demande :
- Tu penses que pour un mariage on a le droit de rentrer dans sa famille ?
Sila fronce le nez en reposant son verre d'élixir de Kargasok :
- Je ne sais pas Tara, la discipline est stricte, je ne suis pas
certaine qu'il y ait des exceptions... Demande à Jicalira, elle t'aime
bien !
Jicalira est une des Sœurs affectées à l'enseignement des arts martiaux
pour les jeunes Tvish et l'art martial Tvish, unique au monde et
développé par et pour les Tvish exclusivement est de loin la discipline
préférée de Tara parmi toutes les activités qui les occupent
quotidiennement.
Néanmoins Tara hésite, elle n'a pas envie de s'entendre dire non, or si
même la douce Jicalira (qui est douce de caractère mais impitoyable sur
le tatami) lui oppose un refus ferme et sans appel, Tara sera coincée.
Au même titre qu'elle aime les escalades dangereuses et défendues, Tara
aime conserver des opportunités en ligne de mire. Elle remet à plus tard
son questionnement, termine son petit-déjeuner, attrape son sac
contenant sa tenue de sport et se rend d'un pas décidé au dojo, Sila
dans son sillage et Jicalira quelques mètres plus loin.
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