Chapitre 19 - Elorya et Suratiel

Les lendemains de fête font souvent l'objet d'aménagements horaires et comme les Fêtes Archimagistérales sont nombreuses, les Archalchimistes connaissent suffisamment leurs responsabilités pour savoir quand ils ont du travail et quand se reposer.

Si Suratiel est matinal, Elorya est du soir et comme ils se sont couchés tard la veille, Elorya est encore au lit tandis que Suratiel, réveillé à l'aube, quelle qu'ait été son heure de coucher, a déjà vaqué à ses nombreuses occupations, notamment nourrir et soigner le griffon blessé qui est actuellement hébergé dans une des pièces de haute sécurité dévolues aux soins des créatures magiques dans les quartiers de la Guilde Jaune. 


 



Suratiel passe la tête par la porte de la chambre et voit Elorya remuer sous la couette, il questionne à mi-voix :

- Elorya, tu dors ?
- Oui, répond-elle en riant, viens !

Il tire un des deux rideaux pour faire entrer un peu de jour dans la pièce et s'assoit à coté d'elle sur le bord du lit, elle tend les bras dans sa direction, l'enlace et l'attire contre elle et l'embrasse longtemps.

- OM toi !
- OM toi, répond-il avec un sourire en coin, bien dormi ?
- Merveilleusement, affirme-t-elle en passant sa main dans sa tignasse bouclée. Tu as vu Phémaro ?
C'est le nom du jeune griffon actuellement soigné pour une blessure à l'aile droite.
- Il se remet doucement, il s'habitue à ma présence, ajoute Suratiel avec un sourire, on ira le voir tout à l'heure si tu veux ?
- Hm hm, opine Elorya en remuant la tête et en réprimant un bâillement, donc tu n'as rien d'urgent pour le reste de la matinée ? le questionne-t-elle avec un sourire espiègle.
- Eh bien, je suppose que non, pourquoi ? Aurais-tu quelque chose de prévu ?
Le visage de Suratiel affiche une parfaite innocence mais l'étincelle dans ses yeux révèle qu'il voit assez bien ou Elorya souhaite en venir.
Elle rit et l'attire à nouveau contre lui, l'obligeant à s'allonger sur elle, ce qu'il fait sans opposer de résistance. Sa sortie matinale au grand air a laissé à Suratiel la peau froide tandis qu'Elorya, à l'abri sous la couette a la peau brûlante et il réalise à son contact qu'il avait froid et se serre contre elle. Tout en l'embrassant et en laissant ses mains remonter le long de ses bras, Elorya s'interrompt et regarde tout à coup ses doigts, couverts d'une fine poudre dorée, elle se redresse et montre le bout de ses doigts à Suratiel. Il rit et lui dit :
- J'ai caressé les plumes de Phémaro, les griffons adultes ont leurs plumes naturellement enduites de légères particules d'or, c'est ce qui donne un éclat aussi majestueux à leur envol et scintille sous les rayons de Suria, le griffon est une créature solaire, il métabolise l'or jaune que crée notre Étoile, c'est une caractéristique qui le rend encore plus magique...
- C'est sublime ! s'extasie Elorya, sa capacité d'émerveillement d'enfant chevillée au cœur. Elle fait danser ses doigts sous la lumière pour faire scintiller la poudre d'or puis tapote le nez, les joues et les lèvres de Suratiel en déposant un peu d'or de griffon sur son visage. Elle le fixe de ses yeux verts comme si elle le voyait pour la première fois et lui dit :
- Tu es beau comme ça...

Jamais vraiment à l'aise avec les compliments, Suratiel hausse légèrement les épaules avec une moue mais Elorya l'entoure de ses jambes, noue ses doigts derrière sa nuque et l'embrasse à nouveau, plus passionnée que tendre à présent. Suratiel laisse ses doigts se perdre dans ses boucles, effleurer les joues d'Elorya, frôler ses épaules, descendre dans son dos, se glisser sous son vêtement de nuit et caresser la peau fine de son ventre et de ses côtes. Elorya dépose un sillage de baisers dans son cou, vient mordiller son lobe d'oreille droite et glisse ses mains sous la tunique de Suratiel qu'elle envoie valser au dessus de sa tête et qui atterrit en vol plané sur la lampe de chevet qui s'effondre au sol dans un bruit assourdissant. Suratiel fixe Elorya qui éclate de rire :
- Oups...
- Franchement... Elorya... Des fois...
- Oh ça va ! Je la réparerai ! Arrête de râler...

Profitant de la distraction temporaire de Suratiel elle le pousse sur le coté et se met sur lui, en déposant une ligne de baisers sur le torse désormais nu de son compagnon. Elle attrape une barrette sur sa table de chevet pour fixer hâtivement ses cheveux en chignon et les empêcher de la gêner. Suratiel la contemple intensément, assise sur lui, elle ressemble aux Déesses des temps anciens, celles dont il a vu les sculptures et les peintures dans ses livres d'histoire, à ses yeux en tout cas, elle est magnifique, réceptacle de la Conscience de l’Absolue, en nul autre instant qu'en celui-la, tandis qu'ils s’apprêtent à faire l'amour, il ne voit davantage en Elorya la manifestation vivante, vibrante de l’Absolue Féminin dans sa beauté farouche, sa puissance créatrice, son Amour-Force infini.

Elorya regarde Suratiel en se demandant comment les couples d'Age de Fer pouvaient se lasser l'un de l'autre, se lasser de leur partenaire au point de ne plus avoir envie de lui faire l'amour, n'était-ce pas une des pires perversions ? La sexualité d'un couple ne devait en aucun cas s'affadir avec le temps et devenir occasionnelle mais au contraire s'approfondir, s'amplifier, devenir encore plus merveilleuse, plus intense, chacun apprenant à connaître davantage son ou sa bien-aimé(e) au point de repousser sans cesse, en étant de plus en plus en confiance l'un avec l'autre, les limites mentales à leur capacité de création, chacun devenant l’athanor de l'autre, créant ensemble des réalités Orthodoles dignes de ce nom ! Comment les gens imaginaient donc que le passage à l'Age de Diamant pleinement manifesté s’était produit sinon par l'union du Couple Sacré ?... Elorya aurait bien poursuivi ses réflexions mais la caresse des mains de Suratiel en train de lui retirer lentement sa tunique de nuit (sans faire valdinguer de lampe de chevet pour sa part) la rappelle à l'instant présent et à son désir croissant. Elle ferme les yeux brièvement au contact des mains de son amoureux sur ses seins et sent ses lèvres sur les siennes avant de se retrouver à nouveau sous son corps tandis que sa bouche vient chatouiller le bas de son ventre et qu'elle gigote en essayant d'esquiver le supplice.

Les lèvres de Suratiel embrassent chaque centimètre carré de la peau d'Elorya tandis qu'il retire son pantalon de nuit, ses mains glissant le long des hanches d'Elorya, de ses cuisses, jusqu'à ses chevilles qu'il masse en guérisseur accompli tout en semant un sillage de baisers. Il sent les muscles d'Elorya se détendre sous ses doigts et remonte en suivant les canaux énergétiques ou il sent des nœuds, caresse ses fesses et laisse ses mains en bas de son dos le temps d'embrasser sa poitrine et finalement retrouver ses lèvres. Quand il l'embrasse en fermant les yeux il a parfois la sensation de voir des arcs-en-ciel, quand il les rouvre, elle le regarde intensément, ses mains descendent le long de son dos et se glissent sous sa ceinture, Suratiel accompagne le mouvement et se déshabille, s'abandonnant totalement au plaisir de sentir la peau brûlante d'Elorya contre la sienne.

- On crée quoi aujourd'hui mon aimé ? questionne Elorya, en se réinstallant sur lui.
- Un bébé ?
C'était leur blague rituelle, ils bloquaient psychiquement la conception parce que leurs vies étaient riches et bien remplies et qu'ils estimaient qu'ils n'avaient pas le temps de s'occuper d'une nouvelle incarnation quand tant d'autres couples y aspiraient de tout cœur. En tant que Guilde Rose, Elorya voyait en chaque acte de Création une mise en mouvement des énergies d'Amour-Force, des origamis qu'elle adorait faire sur des feuilles de papier coloré pour amuser les enfants qui visitaient le Temple-Pyramide avec leurs parents, aux projets ambitieux de sa Guilde, voir Elorya donner vie à quelque chose était de la Magenstria pure, Suratiel lui disait souvent qu'elle avait du être une sacrée sorcière dans d'autres vies.

Pour Suratiel, c'était une aspiration à manifester le meilleur, à le cristalliser partout, jamais pour lui-même, toujours pour autrui, il avait élevé l'abnégation à un niveau rarement égalé chez un Archalchimiste, Suratiel avait un esprit de service qui impressionnait toujours Elorya, pourtant particulièrement bienveillante, par la promptitude et le naturel avec lesquels il venait en aide à autrui spontanément, sans avoir à y réfléchir, il se dégageait alors de lui une énergie d'harmonie et d'Amour-Force admirables. Pour autant, il ne laissait personne abuser de sa bonté et de sa grandeur de cœur, lorsqu'il était en présence de quelqu'un tentant manifestement d'exploiter sa disposition naturelle à apporter aide et soutien, il savait se montrer ferme tout en restant cordial et pour les rarissimes occasions durant ces dernières années ou elle l'avait vu véritablement contrarié, Elorya n'enviait pas celui ou celle qui faisait l'objet de sa contrariété. Parfois, lorsqu'il trouvait qu'elle exagérait, ce qui pouvait arriver, il la regardait avec un air bien particulier qu'elle avait appris à reconnaître et qui lui remettait instantanément les pieds sur terre, un genre de rappel à l'ordre silencieux, bienveillant mais ferme et sans équivoque, les narines et les lèvres légèrement pincées, ça suffisait la plupart du temps à recentrer Elorya plus efficacement que tous les discours, et bien plus encore que s'il avait haussé le ton ou perdu patience. Suratiel, d'ailleurs, n'élevait jamais la voix.

C'est souvent Elorya qui choisit mais aujourd'hui elle a une idée qui concerne Suratiel, elle suggère :
- Pourquoi pas ton projet de livre ?
Elle sait que Suratiel envisage depuis quelques années de rédiger un ouvrage sur les soins Orthodols au Règne Animal d'Age de Diamant, incluant les nombreuses nouvelles espèces magiques apparues ces derrières années. Rarement enthousiasmé lorsqu'il est mis en avant, Suratiel hésite :
- Tu es sure ? Ça peut attendre...
- Non, répond Elorya, je sens que c'est le bon moment, tu devrais t'y mettre prochainement.
- Alors le livre de soins ! Merci mon amour, c'est vrai qu'il est temps que je me lance !

Tout aussi simplement, ils émettent l'idée et l'émotion associée qui reste en arrière-plan dans leurs esprits et dont l'énergie de leur acte d'amour Orthodol viendra alimenter la concrétisation.

Et sur cette discussion d'Archimages, relativement curieuse pour une oreille profane dans de telles circonstances, ils font l'amour, les yeux dans les yeux, avec une totale ouverture et réceptivité à l'autre, dans une Unité qu transcende de loin celle de leurs corps physiques. Avec le temps et l'épanouissement de leur relation ils ont appris l'un et l'autre à ressentir non seulement leurs propres sensations mais les sensations éprouvées par l'autre, ainsi Suratiel peut ressentir ce qu'Elorya éprouve à chaque instant, les mouvements qui lui procurent le plus de plaisir, Elorya sent s'amplifier le plaisir que ressent Suratiel et ajuste son rythme au sien afin de quasi-immanquablement caler à la perfection son orgasme sur le sien, chacun se fondant alors en l'autre au point qu'ils ne parviennent plus à distinguer leurs sensations personnelles de celles de l'autre.

Ils restent enlacés longtemps, puis Elorya, débordante d'énergie finit par se lever :
- Allez debout, tu m'as dit qu'on irait voir Phémaro ! C'est la première fois que je vais approcher un griffon d'aussi près !
Elle s'éloigne en direction de la salle de bains, le pas dansant, ses longues boucles rousses rebondissant dans son dos.
Suratiel, presque assis, le dos appuyé sur un oreiller, la regarde et souffle, trop discrètement pour qu'elle puisse l'entendre mais assez puissamment pour que la pensée l'atteigne :
- Je t'aime.



Commentaires

  1. Woaouh! Comme c'est puissant et magistral!!! On touche vraiment à l'essence de l'essentiel. C'est sublime. MERCI.

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  2. Félicitation pour ce chapitre Sacré ! ;)

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  3. Bonjour,

    Oui...Etonnant...Et Bravo pour ces chapitres, ce dernier chapitre...

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  4. Magnifique chapitre, émouvant. le "je t'aime" donne des frissons.
    Encore merci

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    1. Merci de tout cœur Géraldine ! L'Amour devrait toujours être comme ça... L'Amour ne devrait être QUE comme ça...

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  5. Quel texte magnifique, merci pour cette vision de l’AMOUR, merci infiniment pour se texte magique.

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  6. Un mail reçu de Laura et Gaïa du 23 decembre2021...Etonnant.

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    1. Vous voulez dire un email de notification pour le commentaire ?

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