Chapitre 3 - Tara

Les yeux bleus de Tara se fixent d'abord sur une paire de sandales beiges finement tressées, puis sur une ample jupe verte, puis sur des bras croisés, et enfin sur une longue chevelure striée de mèches blanches encadrant un visage finement ridé mais gracieux, aux yeux tricolores profonds, qui, en cette minute, lancent des éclairs féroces à faire pâlir n'importe quelle petite fille de 11 ans n'appartenant pas à la Pracandhasenamukha...

Immédiatement Sila et Tara mettent pied à terre, redressent la tête et portent la main droite à leur cœur avant de la tendre en direction de la Dame qui leur fait face, paume vers le ciel.

- Je vous tiens toutes les deux pour responsables du blanchiment de mes cheveux, soupire-t-elle, tout en leur rendant l'Irsha dans un mouvement gracieux et englobant qui dégage un léger parfum de sous-bois.

« La voix de tonnerre et les yeux qui lancent des éclairs étaient un peu théâtraux » se dit Gaïa intérieurement avec un sourire en coin.

- Allez, reprend-elle, suivez-moi toutes les deux, j'ai besoin de vous ! Joignant le geste à la parole, elle soulève les pans de sa longue cape et les rabat sur Tara et Sila, les dissimulant aux yeux de quiconque les croiserait dans les interminables couloirs du Temple, non que quiconque aurait questionné Gaïa de se promener à la nuit tombée avec deux Tvishons (l'appellation affectueuse réservée aux petites Tvish) de toute façon, mais l'opération est secrète.


Toutes les trois empruntent la passerelle extérieure qui relie le Temple Tvish aux tourelles attenantes, c'est là que Gaïa explique enfin son projet à Tara et Sila :

- La Fête de Tula a lieu dans 3 jours, vous connaissez l'importance de l'Equinoxe ?

Les fillettes acquiescent de concert.

- Pas un seul des membres de la Guilde Rose, pas plus que de l'équipe spéciale qui vient pour préparer la Fête n'a le courage d'aller pendre les oriflammes en haut du Temple, maugrée-t-elle en levant les yeux au ciel.

Cette partie du Temple, comme le sait pertinemment Tara, est formellement interdite d’accès, la galerie de colonnades bordant les quatre côtés du dernier étage ne fait l'objet de patrouilles par les Tvish de garde qu'occasionnellement. Le toit est sacré, au même titre que la Pyramide.

- Comme je sais d’où vous venez, reprend Gaïa, je me suis dit que vous pourriez me donner un petit coup de main, ajoute-t-elle d'un air malicieux tandis que son sourire espiègle fait se plisser le contour de ses yeux gris-bleus-verts, lui donnant l'air d'avoir le même âge que ses interlocutrices.

Tara et Sila se regardent l'une l'autre, elles s'attendaient un peu à tout mais certainement pas à se faire renvoyer sur le toit, en pleine nuit et avec la bénédiction de Gaïa !

Pendant qu'elles réfléchissent, Gaïa produit de sous sa cape un sac en toile léger où les oriflammes aux couleurs de l'Equinoxe sont soigneusement roulés.

- Alors ? les questionne-t-elle, impatiente.

Comme chacun le sait, bien peu sont ceux qui peuvent résister à une demande de Gaïa et d'un commun accord informulé, Tara et Sila hochent la tête en symétrie parfaite.

- Je vous occulte, que vous n'ayez pas d'histoires par ma faute, ce serait un comble !

Les joues rosies par la fraîcheur du soir et l'excitation, Tara et Sila reprennent leur ascension épique, le sac contenant les précieux oriflammes autour du cou de Sila, la plus grande des deux.

Il ne leur faut pas plus d'une dizaine de minutes pour atteindre le toit avec le contrefort appréciable de la bulle de protection dont les entoure Gaïa. Une fois au sommet du Temple elles se partagent les oriflammes pour les suspendre aux quatre coins du Temple. Revenant à l'arête surplombant le Temple Tvish, Gaïa leur adresse un OM, pouce et index en cercle, les trois autres doigts relevés et les fillettes redescendent, souples comme des chats, aussi discrètement et gracieusement qu'elles sont montées.





Gaïa les enveloppe chaleureusement dans ses bras, et pour qui en a fait l'expérience, cela ressemble étrangement à la sensation de se retrouver blotti contre un arbre en été, quand l'énergie de vie se déverse jusqu’à saturation des corps subtils.

Joyeuses de l'aventure, Tara et Sila rient, les cheveux en bataille et les joues écarlates de l'exercice audacieux comme de la raison qui y a présidé, elles courent sur la passerelle pour retourner au Temple Tvish, se retournant régulièrement pour saluer Gaïa d'un geste de la main, à mi-chemin entre l'Irsha et un salut d'enfant humain.

Gaïa les regarde s'éloigner dans la nuit magique du Temple, illuminée par les brasiers perpétuels, un sourire attendri. La belle Séléné danse derrière les nuages tandis qu'elle s'éloigne à longues enjambées silencieuses dans un froufrou végétal de robe et de cape.

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